Source : ROCAJQ

29 septembre 2025
Noémie Roche, la directrice du ROCAJQ prend la parole lors du congrès du RQ-ACA

ROCAJQ

Entre réflexions stratégiques et discussions sur la conjoncture, la montée du fascisme et de l’extrême droite s’est imposée comme un enjeu transversal pour le mouvement communautaire autonome.

Le deuxième congrès de l’histoire du Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) s’est tenu dans un contexte mondial difficile qui touche également la société québécoise. Même si la montée de l’extrême droite ne figurait pas explicitement parmi les cinq thématiques du programme, elle a été omniprésente dans les échanges des organismes communautaires et dans les panels portant sur la conjoncture.

« C’est ce qui est derrière tous les thèmes que l’on aborde dans le congrès. Au-delà des aspects techniques liés à un plan d’action gouvernemental, à une loi ou aux solidarités, il y a une urgence. C’est ce que nous avons voulu faire sentir : une urgence face à ce que nous vivons collectivement », analyse Caroline Toupin, coordonnatrice du RQ-ACA.

Du 16 au 18 septembre, plus de 200 participantes et participants représentant divers regroupements d’organismes communautaires se sont réunis à Trois-Rivières. La directrice du Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec (ROCAJQ), Noémie Roche, a, pour sa part, souligné l’importance de créer un mouvement unitaire pour contrer les attaques aux acquis sociaux. « C’est un moment fort : on se dit qu’il faut tous se mettre en action. Pour le ROCAJQ, il est essentiel de démontrer à nos membres que ça bouge partout, et que s’ils bougent un peu eux-mêmes, ils feront partie d’un plus grand mouvement », explique-t-elle.

Un panel a permis d’approfondir la thématique. Dalie Giroux, professeure de science politique à l’Université d’Ottawa, a décrit la crise actuelle du capitalisme et l’émergence d’un « capitalisme autoritaire ». « Nous ne sommes plus dans le néolibéralisme : nous vivons désormais un capitalisme autoritaire. Cela signifie qu’on ira chercher de nouvelles ressources par la force s’il le faut. On va détruire ce qui reste des services sociaux et du filet social, et mettre au pas toutes les catégories de la population qui font obstacle au projet d’accumulation du capital », a-t-elle expliqué.

Dans la même perspective, Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique à l’UQAM, a analysé les effets du « masculinisme » dans la société. « On entend beaucoup que les hommes vont mal : c’est le discours de la crise de la masculinité. Or, mes recherches montrent que ce discours existe depuis 500 ans. Il est porté par les hommes les plus riches, les leaders, et repose sur une logique de victimisation : l’invention d’une crise qui n’existe pas. Mais même si elle est inventée, lorsqu’elle s’impose dans l’espace public, elle a des effets bien réels.», a-t-il souligné. En Montérégie, par exemple, des enveloppes destinées aux groupes de femmes ont été attribuées à des organismes pour hommes sous l’influence de ce discours.

Les groupes de travail

Outre la conjoncture, les discussions du congrès se sont articulées autour de cinq thématiques :

  • la possibilité d’une loi en action communautaire autonome (ACA),
  • le développement d’un RQ-ACA plus inclusif,
  • la solidarité communautaire et la lutte unitaire,
  • le prochain Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire (PAGAC),
  • l’influence des fondations philanthropiques.

La méthodologie a été similaire dans tous les ateliers : présentation de la thématique par l’animatrice, puis discussions en sous-groupes. Concernant le PAGAC, les organismes ont imaginé leur plan « idéal ». L’une des constantes a été la volonté de voir émerger un « PagacA », c’est-à-dire un plan d’action gouvernemental dédié spécifiquement à l’action communautaire autonome, afin de mieux reconnaître l’autonomie des organismes.

Sur la question d’une éventuelle loi en ACA, aucun consensus n’a été atteint. Si plusieurs voyaient la loi comme un outil, la majorité estimait qu’elle n’est pas une fin en soi. Un participant a suggéré d’organiser un débat opposant un expert juridique favorable et un autre opposé à la loi, afin d’alimenter l’éducation populaire sur le sujet.

Les discussions sur la solidarité et les luttes unitaires ont donné lieu à une cartographie collective. Trois constats ressortent pour l’analyste politique du ROCAJQ, Fernando Rotta «  les organismes communautaires sont engagés dans un grand nombre de luttes, plusieurs d’entre elles les relient déjà entre eux, mais cette interconnexion pourrait être renforcée; enfin, la transformation sociale et la lutte contre les inégalités demeurent le fil conducteur. Dans ce cadre, la lutte commune contre la montée du fascisme apparait encore une fois comme un élément fédérateur ». Pour la directrice générale du ROCAJQ, Noémie Roche, qui a également participé à ces discussions, il serait pertinent de refaire l’exercice à l’interne afin d’identifier quelles sont les campagnes les plus mobilisatrices et d’évaluer si le ROCAJQ devrait recentrer ses efforts sur celles-ci.

Une jeunesse bien représentée

Parmi les membres du RQ-ACA, les regroupements jeunesse étaient bien représentés dans les échanges. La délégation du ROCAJQ comptait trois personnes : la directrice Noémie Roche, le responsable des communications et de l’analyse politique Fernando Rotta, et la membre du conseil d’administration Geneviève Quinty, également directrice de l’organisme PIPQ.

« Le degré d’implication des organismes jeunesse démontre l’engagement du mouvement, mais aussi à quel point ce secteur est touché par les inégalités. Les jeunes aux parcours de vie différenciés sont parmi les principales victimes de la conjoncture actuelle. L’augmentation du coût de la vie, la montée de l’itinérance, l’appauvrissement, les enjeux liés à la santé mentale et à la réussite éducative forment une boule de neige qui frappe de plein fouet les jeunes. Faute de soutien adéquat dans le réseau public, ils se tournent vers un milieu communautaire lui-même fragilisé par le manque de financement et de reconnaissance », explique Noémie Roche. Ces constats nourrissent d’ailleurs le cahier de revendications du ROCAJQ, actuellement en préparation.

Les prochaines étapes

À l’issue du congrès, le RQ-ACA analysera l’ensemble des propositions et idées. « Nous allons nous rencontrer trois fois avant l’assemblée générale annuelle pour prendre des décisions ensemble. Cette année, ce sera bénéfique de se positionner collectivement », résume Caroline Toupin.